mercredi 22 avril 2009

Discours de Dakar : Les complicités coupables de Ségolène Royal


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Discours de Dakar :

Les complicités coupables

de Ségolène Royal

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par
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Alexandre Gerbi
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Dans le discours de Dakar de Ségolène Royal, le meilleur a côtoyé le pire.

Le meilleur, c’est l’affirmation que l’Afrique est « au cœur » des « préoccupations » de l’ancienne candidate socialiste à l’élection présidentielle.

Sachons apprécier cette belle affirmation. Pendant trop d’années, la classe politique française s’est souciée de l’Afrique comme d’une vieille chaussette. Il faut donc se féliciter de voir depuis quelque temps l’Afrique ressurgir dans le discours politique français, même si les ambitions chinoises, états-uniennes ou autres, en menaçant les positions françaises au sud du Sahara, ne sont peut-être pas totalement étrangères à ce soudain regain d’intérêt…

Au demeurant, une telle affirmation, dans cette bouche d’or socialiste, peut prêter à sourire. En effet, même si Ségolène Royal cherche, en égrenant fiévreusement les maigres occurrences de l’Afrique dans ses discours et écrits passés, à démontrer l’intérêt majeur qu’elle porte soi-disant au Continent-Mère, il n’est pas besoin de remonter aux calendes pour relativiser l’affirmation : dans la motion ségoléniste (motion E) du Congrès de Reims en novembre 2008, les mots « Afrique » et « Africain(s) » n’apparaissaient pas une seule fois – non, pas une seule fois… Si l’Afrique et les Africains sont « au cœur » des « préoccupations » de Ségolène Royal, force est de constater que c’est parfois sous une forme spectrale particulièrement diaphane…

Pour ce qui est des actions concrètes, la présidente de la région Poitou-Charentes, en politicienne madrée, sait mettre les petits plats dans les grands. Une camionnette frigorifique offerte aux femmes de Thiaroye, assortie de trois ou quatre mesurettes d’une ampleur analogue, et voici le monde qui change « globalement ». De telles incantations, plus magiques qu’économiques et politiques, une fois encore, prêteraient à sourire, si la situation du Continent n’était pas « globalement » tragique…

Venons-en maintenant au pire.

Nous nous abstiendrons d’ironiser sur le fait que Ségolène Royal fustige impitoyablement le néocolonialisme, tout en faisant mine d’oublier que celui-ci atteignit des sommets phénoménaux et particulièrement désastreux sous le double règne de François Mitterrand – dont elle fut ministre. Cela, bien sûr, Ségolène Royal semble n’en garder nul souvenir…

Nous n’aurons pas la cruauté de souligner que, comme Nicolas Sarkozy dans son discours de Dakar en 2007, Ségolène Royal tend à réduire, au gré d’une rhétorique fort à la mode, la colonisation à une faute, et l’ère coloniale au colonialisme, c’est-à-dire à son versant obscur et criminel. Au passage, elle oublie que la colonisation fut en grande partie un projet de gauche, que des générations de politiciens français de tout bord, traîtres aux principes les plus fondamentaux de la République, ont dévoyé aux dépens des Africains, mais aussi du peuple français qui jamais ne souscrivit aux dérives affreuses du colonialisme.

En revanche, il convient de souligner ceci : Ségolène Royal prétend s’opposer frontalement à Nicolas Sarkozy. En réalité, elle partage avec lui le même fonds de commerce idéologique, essentiellement mensonger…

En effet, à l’instar du président de la République, celle à qui l’on prête les plus hautes prétentions gouvernementales suit point par point le petit catéchisme de la Ve République blanciste, cet arsenal fallacieux diffusé conjointement, pour le dire vite, par le binôme de Gaulle-Sartre, ou si l’on préfère par la droite et l’extrême-droite alliées, en la circonstance, à la gauche et à l’extrême-gauche françaises. Sous la houlette, en ce temps-là, des Etats-Unis ségrégationnistes et de l’URSS stalinienne ou poststalinienne, superpuissances impérialistes grandes donneuses de leçons en matière démocratique, et alliées objectives dans cette affaire…

Ségolène Royal, comme Nicolas Sarkozy, prétend tenir aux Africains un discours de vérité. Et sur-le-champ, voici qu’elle déroule des chapelets de contrevérités sur la décolonisation, déployant la classique mythologie d’une Afrique avide d’indépendance, mythologie qui permit en réalité, il y a cinquante ans, de larguer « en finesse » les populations africaines de la France (à grand renfort de coup d’Etat, de promesses solennelles trahies et de Constitution violée pour museler la démocratie), plutôt que de satisfaire ce qui était la revendication fondamentale de l’immense majorité des Africains : non pas l’indépendance, mais tout au contraire l’égalité politique et la fraternité (oui, Madame, la Fra-Ter-Ni-Té) dans la République. Car cette égalité politique, Léopold Sédar Senghor, Félix Houphouët-Boigny ou Léon Mba pensaient qu’elle conduirait à l’abolition du colonialisme, par l’extension du modèle de développement économique et social hexagonal à tous les territoires africains de la France, dans le cadre, à l’époque, de la grande République Franco-Africaine égalitaire et sociale. Mais il est vrai que cette égalité, aujourd’hui encore, la classe politique métropolitaine continue d’y répugner : en témoigne le sous-régime social que le gouvernement entend instaurer à Mayotte, avec la complicité du Parti Socialiste…

Ségolène Royal a beau jeu de demander pardon au nom de la France pour les grossières élucubrations qui émaillèrent le discours guaino-sarkozyen de Dakar en 2007.

Mais viendra le temps où le petit peuple d’Afrique lui demandera des comptes à son tour. Sur ses complicités avec la Ve République blanciste, et sur celles de toute la gauche française, depuis des décennies. A commencer par les affabulations et autres intoxications historiographiques qui permirent de bouter les Nègres hors de la République, et de les vouer à la troisième grande flétrissure historique que le monde noir eut à subir de la France après l’esclavage et le colonialisme : la décolonisation-largage, sous-tendue par le déni d’égalité, et son corollaire néocolonialiste, stade suprême du capitalisme.

L’occasion en sera donnée, n’en doutons pas, dès l’an prochain, avec le 50e anniversaire des prétendues « indépendances » africaines…

Gageons que d’ici là, Ségolène Royal comme Nicolas Sarkozy et bien d’autres chefs politiques français, se seront donné les moyens d’accomplir cette révolution culturelle, afin de se mettre au diapason de l’exigence de vérité dont ils ont plein la bouche.

De la sorte, ils cesseront de jeter à la figure des Africains les menteries honteuses du régime. Et par la même occasion, ils cesseront d’insulter cette France qu’ils prétendent défendre, et que nos frères d’Afrique, qui ne sont pas dupes, continuent d’aimer.




Alexandre Gerbi




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